L'Antre d'un poulpe

La trilogie Silo

· Grishka
Livre
Auteur: Hugh Howey
Éditeur: Actes Sud
Traducteur: Laure Manceau
Format: numérique - fr
Longueur: 1458 pages

Cela fait longtemps que j’entends parler de Silo. Je me souviens également avoir plusieurs fois croisé cette étrange couverture orangée dans différentes librairies. Et pourtant, il a fallu que je regarde la première saison de son (excellente) adaptation pour enfin me lancer dans sa lecture.

Silo se déroule à une époque indéterminée, où l’humanité vit dans un énorme silo, sous terre. Il faut imaginer une tour souterraine avec un escalier central en spirale qui connecte le haut du silo (juste sous la surface) avec le bas, à plusieurs dizaines d’étages d’écart. Quelques milliers de personnes habitent ici, génération après génération.

Le monde extérieur est invivable. Les résidents et résidentes du silo peuvent le constater grâce à un écran en temps réel : une terre stérile sans aucune végétation, balayée par des vents secs sous un ciel nuageux. Dans des circonstances particulières, un individu peut être envoyé à l’extérieur pour nettoyer l’objectif de la caméra. C’est un aller simple, car même protégé par une combinaison spéciale, personne ne peut survivre plus de quelques minutes et l’unique sas ne fonctionne que dans un sens.

Sans en dire plus sur l’intrigue, Silo est une trilogie intéressante à plus d’un titre. Avec la surabondance d’œuvres postapocalyptiques, on pourrait craindre une nouvelle variante sans surprise ni saveur, ressassant encore les mêmes tropes. Je trouve ici que l’auteur utilise ce contexte assez judicieusement, sans en faire le point d’attention du récit, et ça fait du bien.

J’estime que Silo tient incroyablement bien par deux prismes complémentaires : ses personnages et le portrait de cette société confinée. Les premiers sont humains, avec des motivations qui m’ont toujours paru logiques, assises sur des psychologies variées et intéressantes. Et autant c’est un acquis chez d’autres auteurs, autant là c’est une agréable découverte. D’autant plus que, si certains éléments narratifs peuvent être devinés ici ou là, c’est au travers d’informations accessibles aux personnages principaux, presque jamais via des fragments apportés uniquement à la lectrice ou au lecteur. Que le personnage présent en fasse immédiatement les bonnes déductions ou non, cela ne semble pas truqué.

L’écrivain a longuement réfléchi à l’origine de cette société, à la manière dont elle s’est développée et à l’évolution de sa structure. Les aspects sociaux, économiques, logistiques, psychologiques (et j’en passe) sont travaillés et imbriqués de telle façon que l’ensemble fait sens. Rares sont les notions données gratuitement. Le lecteur découvre ce microcosme de façon assez organique et c’est une approche que j’aime beaucoup. J’apprécie moyennement les expositions gratuites et déconnectées de la narration, c’est donc un vrai plaisir de voir les éléments distribués très naturellement dans le texte, sans que ce soit jamais ni forcé ni artificiel. Et l’auteur laisse suffisamment de marge pour que le lecteur doive fournir l’effort d’associer des idées, de relier les points pour comprendre comment tout s’articule.

Pour faire une comparaison simple, on n’est pas sur le même effort de lecture que pour Terra Ignota ou Anatèm (que je commence juste), mais l’approche facilite l’immersion et l’envie d’avancer dans le récit.

J’ai été surpris par la structure de la trilogie dans son ensemble, et de certains tomes dans le détail. Avec le recul je trouve que c’est un choix pertinent, mais, sur le moment il y a un petit côté déstabilisant. Par exemple, le second tome s’apparente presque à un recueil de nouvelles.

C’est un de mes gros coups de cœur de l’année, j’ai dévoré les 3 volumes plus vite que bien d’autres livres ces derniers mois. Les personnages sont excellents et les péripéties autant que l’univers invitent sans cesse à lire encore un chapitre, même s’il fallait vraiment dormir.

Un mot sur l’adaptation en série : je la trouve réussie avec un équilibre juste entre fidélité et changements nécessaires, mais toujours en respectant l’esprit de l’œuvre. On peut découvrir l’univers par ce biais ou par le livre en premier, sans que cela gêne la découverte de l’autre pan ensuite. Il y aura des surprises dans les deux cas.

Si les autres ouvrages de l’auteur sont du même acabit, j’ai hâte de les lire !

Couverture du tome 1 de « Silo » de Hugh Howey
Couverture du tome 1 de « Silo » de Hugh Howey


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