Lectures de janvier à mi-mars
Je viens à l’instant de terminer un livre, n’est-ce pas un bon moment pour faire un petit tour des lectures depuis janvier ? Ça ne sera pas long.
J’ai commencé l’année avec la BD Le monde sans fin de Christophe Blain & Jean-Marc Jancovici (Dargaud - papier fr) que l’on m’a prêté. Je m’intéresse de temps à autre les publications de Jancovici depuis quelques années, c’était l’occasion de rattraper ce gros pavé sorti quelques mois plus tôt.
Ce fut une lecture instructive, même en connaissant par avance quelques-uns des arguments abordés. On peut dire ce qu’on veut de Jancovici (et tout est régulièrement dit à son sujet, je vous laisse chercher), c’est quand même un sacré vulgarisateur. Tant dans le sens de la formule et que dans la construction de son propos. Pour peu d’être ne serait-ce que vaguement sensible au sujet, difficile de ne pas se laisser entrainer.
D’autant plus que Christophe Blain, que je découvre ici, illustre le tout avec talent et juste ce qu’il faut d’amusement pour maintenir le rythme 190 pages durant. Le duo de personnage, classique paire candide/professeur, fonctionne bien et les planches valent mille mots.
Je laisse aux amatrices et amateurs de débat la joie d’aller se coltiner les controverses sur les chiffres, approximations et autres contre-vérités supposés dans le bouquin (j’ai lu les articles, j’avoue). Je préfère en retenir ceci : le discours sonne juste et me semble globalement vrai (ce qui est différent de « exact »). N’oublions pas que c’est un ouvrage de sensibilisation et de vulgarisation, non une revue scientifique. Que l’on prête foi, ou non, à la démarche de son principal promoteur, ce travail est important et a le mérite d’exister.
Ensuite, je me suis enfin attaqué au bien nommé pape de la hard SF avec Axiomatique de Greg Egan (Bélial’ - numérique fr). Après un premier contact via une nouvelle il y a quelque temps, j’étais de plus en plus tenté de découvrir son univers.
Axiomatique est un recueil de 17 de nouvelles de l’auteur. Soit autant de taloches en travers de mon cerveau. Voyez-vous, j’aime bien la science-fiction, comme quelqu’un qui en a lu un peu ici ou là sans être le moins du monde ni spécialiste ni même connaisseur du sujet. J’ai longtemps privilégié la fantasy, mon appétence pour la SF étant plus tardive.
Par conséquent, non seulement je n’ai pas tant de points de comparaison que ça (que de lectures à découvrir !), mais je n’ai que rarement fricoté avec la hard SF.
Ce recueil m’a emmené sur des terrains inexplorés où se faire mal au crâne avec des thèmes pointus va de pair avec le plaisir d’être transporté en dehors de sa zone de confort.
J’ai apprécié chaque nouvelle, mais je me dois tout de même d’en mettre en avant quelques-unes. L’Assassin de l’infini qui ouvre le sommaire et qui m’a gentiment pris par la main avant de tenter de reconfigurer mon cerveau, sympathique entrée en matière.
Le Point de vue du plafond est une de ces bizarreries saugrenue et pourtant si bien menée ! Imaginez un peu vivre votre vie, mais en vous observant inexplicablement de l’extérieur depuis le plafond.
En apprenant à être moi, précédemment lue. Une jolie redécouverte, tant je l’avais oublié. Notamment cette conclusion à la fois frappante et amère qui se laisse méditer.
Le P’tit-mignon, honnêtement, je n’étais pas prêt. Sans doute le fait d’être doublement papa, je ne sais pas… quel malaise en si peu de pages !
La distorsion du mouvement thermique moléculaire — à l’origine des vents soufflant vers l’intérieur, et de la lente déshydratation — produit également une force, ou une pseudo-force, qui s’exerce aussi sur les objets solides, ce qui fait pencher la verticale apparente.
L’incertitude quantique de la métrique spatio-temporelle autorise des violations, petites et localisées, de la restriction absolue édictée dans le cadre de la loi classique.
Après le scandale Facebook-Cambridge Analytica (et peu de temps après avoir quitté le réseau), je m’étais mis de côté An Ugly Truth: Inside Facebook’s Battle for Domination de Sheera Frenkel & Cecilia Kang (Harper — numérique vo).
Je crains de m’y être attaqué bien trop tard et j’ai fini par l’abandonner avant la fin. Il s’agit d’une enquête conduite par deux journalistes sur le fonctionnement de Facebook depuis les premières années de la boite jusqu’à récemment. Le sujet demeure intéressant par lui-même. Mais tout a été dit à ce sujet ou presque, depuis plusieurs années. Avec les affres de Twitter ces derniers mois, j’ai l’impression qu’on oublie un peu facilement les casseroles de Facebook : pourtant elles ont été exposées, disséquées et étudiées pour la plupart. C’est le plus gros problème pour moi, le contenu du livre à perdu de sa fraicheur.
Second souci : je n’ai plus aucune curiosité ou presque pour la plateforme. Je m’intéressais à l’époque de près à tout ce qui se passait, mais c’est devenu un non-sujet d’attention au fil du temps. Bref, une occasion manquée.
Avez-vous vu le film Cloud Atlas ? C’est un de mes films préférés et je défendrai cette colline jusqu’au bout. J’écris présentement avec la BO dans les oreilles.
J’aspirai depuis longtemps à lire le livre éponyme de David Mitchell dont il est adapté. Première tentative sur la version anglaise : échec. Je lis régulièrement en anglais, mais là, dès la première partie j’étais largué. Combo fatigue + contenu d’un journal personnel écrit en 1849 = fail.
Qu’à cela ne tienne, j’ai acheté Cartographie des nuages (Éditions de l’Olivier — numérique fr) et il m’aura tenu 5 semaines durant.
Premier constat : je suis heureux de l’avoir lu après le film. En réalité, j’adore sincèrement les deux versions, pour leurs qualités propres. Mais je ne suis pas persuadé que j’aurai un ressenti équivalent dans l’autre sens.
Ensuite, je suis impressionné par la maitrise de cette métahistoire. Je ne connais aucun autre ouvrage de David Mitchell, mais si le reste est du même tonneau, ça promet.
Cartographie des nuages nous conte 6 histoires qui se déroulent à 6 époques différentes. Passé ce premier point, c’est la structure qui fascine. L’auteur suit une progression chronologique, mais chaque récit est coupé vers sa moitié par le suivant. Jusqu’au 6e qui se produit, lui, d’une traite dans un futur lointain. Puis le livre déroule la logique inverse : on remonte progressivement vers le passé avec la seconde moitié de chaque histoire.
Il pourrait s’agir d’un simple gimmick, mais il fait sens, car chaque narration répond aux autres de multiples façons (mention historique, clin d’œil, séquences similaires, mais avec une perspective différente) pour construire une sorte de labyrinthe thématique autour de la condition humaine, du destin et de l’âme.
Pour parfaire le tout, chaque récit est raconté différemment : entrées dans un journal de voyage, échanges épistolaires, roman issu d’un fait divers, mémoire, enregistrements d’entretiens légaux, histoire orale… C’est un festival de styles, de tons et d’inventions. Jusqu’à tordre le langage dans le futur, génial.
Bref, une lecture multifacette qui fait plaisir !
Bon, c’est bien gentil de finir un livre, mais il faut que je me décide sur le suivant maintenant.
À bientôt !