Sans transition - Une nouvelle histoire de l'énergie
Je poursuis mon exploration des thématiques autour de l’écologie, ce qui amène forcément à s’interroger sur le rôle de l’énergie dans notre société. Jean-Baptiste Fressoz s’applique à démontrer que la notion même de transition (dans le sens bascule d’une situation A à une situation B) tient plus de l’argument marketing, voire du mythe moderne, que d’une quelconque réalité.
Après le pétrole, le charbon est en poids la deuxième marchandise du commerce maritime mondial (1,4 Gt contre 1,8 Gt).
Si on peut naïvement croire que nous en avons déjà traversé plusieurs, du bois au charbon, puis au pétrole, par exemple, une exploration honnête des faits et des chiffres (cet ouvrage en contient beaucoup) permet de remettre les pendules à l’heure et surtout d’ouvrir les yeux : l’humanité consomme toujours plus, tout type d’énergie confondue. L’auteur explique très bien quelque chose qu’il faut garder en tête lorsqu’on entend certains justifier que l’utilisation de certaines sources fossiles diminue. Le calcul est fait en relatif (x par rapport à Y), et non en cumulatif (x + y). La part de chaque énergie dans le mix évolue, mais ne conduit pas vraiment à l’économie des matières fossiles historiques.
Le texte est très bien référencé (presque 800 notes !) et le propos n’en apparait que plus solide. J’ai eu plusieurs fois ce petit moment « Ah, oui… dit comme ça, c’est évident » lorsque l’auteur démontre simplement certaines chaines, certaines intrications et interdépendances qui ne sautent pas aux yeux autrement, mais sont d’une logique cohérente. La prise de conscience graduelle du fait que toutes les formes de consommation et d’énergie sont intrinsèquement connectées peut s’avérer décourageante, voire déprimante. Avec en perspective un réchauffement climatique de plus en plus prégnant, comment résoudre une équation aux fils aussi entremêlés et reliés à chaque aspect de nos sociétés ?
Les postes de radio, les stylos, les téléphones ou les tableaux de bord de l’entre-deux-guerres, qu’on voit dans les films de l’âge d’or de Hollywood, sont majoritairement composés de bois, les industriels incorporant une charge importante de farine de bois dans leurs résines au phénol-formaldéhyde afin de réduire les coûts de fabrication.
Fressoz s’emploie également à rappeler l’aspect politique de la notion de transition. On découvre alors comment les industries ou institutions ont pu travestir les chiffres et les corollaires pour orienter le débat et manipuler l’opinion… Je veux dire, on peut constater que le pouvoir cherche à se préserver et à accumuler plus de richesses/privilèges/irresponsabilité, parce qu’on voit le monde fonctionner ainsi depuis toujours. Mais c’est souvent un peu plus accablant de voir ces mécaniques dans le détail.
Le panel sur les conséquences économiques (dans lequel siègent Henry Shaw d’Exxon, Alvin Weinberg et Kenneth Boulding) estime que prévenir le réchauffement serait bien plus coûteux que de gérer ses impacts.
En refermant le livre, j’ai eu le sentiment d’avoir appris pas mal de choses, avec toutefois une conclusion en demi-teinte : on n’est pas sorti des ronces. Mais, plus important, je pense avoir une perspective plus juste
Un mémo de la Maison Blanche d’août 1989 indique les orientations qu’il convenait de donner aux travaux du groupe III : « L’objectif n’est pas de protéger le climat. Il s’agit plutôt de protéger le bien-être économique des effets négatifs qui pourraient résulter du changement climatique.
— Les chapitres sont en général illustrés par quelques photos, mais surtout par de nombreux graphiques. Sur liseuse, je n’ai pas pu agrandir les images, ce qui a parfois rendu la lecture difficile, certaines informations étant particulièrement petites et compactes. — Il est important d’aborder le livre avec curiosité. Il n’est pas technique ni ardu, mais plutôt dense, ce qui peut rebuter rapidement si on ne s’y attend pas.